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L'Olivier d'Angèle

6 septembre 2020

L’Olivier d’Angèle

Préambule : j'aime ce mot que je lis dans les romans, c'est un écrit après l'écrit, un recul sur ce qu'on vient d'écrire, un avertissement au lecteur parce qu'on sait où on a voulu aller et où cela nous a mené finalement. J'ai lu et relu ce texte, j'y ai trouvé quelques fautes, il en reste encore peut être et je m'en excuse. Il y a beaucoup de "culcullapralineries" aussi... Et puis j'ai une grande passion pour les points de suspension dans lesquels je mets beaucoup de trucs, alors il y aura forcément des ellipses pour le lecteur. C'est un texte mal écrit, confus parfois mais c'est le mien.  C'est un texte unique, il n'y aura pas de suite. 

           

           Il était une fois... cette histoire ne peut commencer que par cette formule. Il était une fois une histoire vraie. Il était une fois Olivier et Angèle.

Bon... Il faut bien l'affronter cette page blanche, il faut le sortir de moi ce texte que je porte depuis quatre ans. Je dois sortir toutes ces émotions, les offrir, les faire vivre quelque part en toute honnêteté... Je ne suis pas auteure, rien que ces deux phrases sont d'une platitude abyssale comparées aux textes des écrivains de ma galaxie que j'aime tant. Mais je dois persévérer, coucher ces souvenirs que je vais peut-être enjoliver avec le temps (c'est ce que vous pensez) et pourtant tout sera en dessous de la vérité en terme d'intensité. Il va s'agir ici de ressenti, d'amour, d'émotion et de silences...

L'histoire que je vais raconter, est une histoire réelle, une histoire qu'aucun auteur ou réalisateur n'aurait oser imaginer, une histoire qui n'est arrivée à aucun être humain (enfin je veux le croire). Cette histoire j'ai eu la chance de la vivre et elle sera en moi comme une lumière pour toujours. 

L'Olivier d'Angèle c'est une librairie / salon de thé imaginaire, un endroit où nous nous retrouvions tous les deux, qui nous abritait. Olivier c'est lui, Angèle c'est moi. 

Olivier est marié comme moi, il est à des centaines de kilomètres de moi, un bon moyen de ne pas être tentée de le rencontrer. Ne pas ouvrir la boîte de Pandore, ne pas prendre goût à l'adultère, mot horrible qui exprime le glauque alors que notre histoire est tout le contraire. 

Tout a commencé un jour où ma vie partait en lambeaux, la mort décimait les gens autour de moi, mes certitudes sur la vie s'effondraient, le noir m'attirait et la personne qui partage ma vie et qui aurait du être là ne l'a pas été. Olivier est alors arrivé dans ma vie, le hasard des rencontres du net, un coup de foudre, une évidence, deux écrans... On a partagé nos fantasmes sexuels, nos désirs puis très vite nos peines, nos envies, nos rires, nos recettes de cuisine, nos lectures et nos sourires. Tout cela par écrit, puis en visio puis au téléphone tous les jours sauf le week-end.

Tout a été fluide dès le début comme si on se connaissait déjà, c'est rare et précieux ce sentiment. Au tout début, ça a été un peu timide mais pas très longtemps, alors j'ai voulu lui montrer mon visage pour que ça s'arrête tout de suite si je ne lui plaisait pas (ma légendaire confiance en moi !) C'est par l'intermédiaire de Skype et avec mon cœur qui pour une obscure raison voulait sortir de ma poitrine que nous avons dévoilé nos visages. C'était un peu comme sceller une première pierre. Ce jour-là m'est apparu un homme beau comme un Dieu, qui n'a pas eu de mouvement de recul quand il a vu mon visage, qui a eu un sourire à tomber et à ne pas vouloir se relever et un regard dans lequel j'ai lu "n'aie plus peur, je suis là." Nous avons alors échangé des mails sur nos vies, nos professions, nos recettes de cuisine, nos livres (mon Dieu que c'est important), nos vides aussi. Si nous en étions là tous les deux ce n'était pas par hasard non plus, nous avions un vide commun : le sexe. Nous en avons parlé aussi, nous échangions vraiment sur tout, sans tabous. Je me caressais avec lui qui écoutait mes soupirs en fermant les yeux. Sa voix me plaisait, m'apaisait... La confiance était totale... Appeler quelqu'un tous les jours ce n'est pas rien, et le reste du temps c'était des photos ou des mails, de longs mails. Il m'arrivait de lui envoyer une photo de moi prise dans une cabine d'essayage pour avoir son avis. Je me souviens d'un jour où j'avais essayé une robe (fait rarissime il y a 4 ans) et je faisais un peu la tête (doux euphémisme !) sur cette photo parce que vous savez.... toujours ma confiance en moi  ! Il m'a répondu "tu ne devrais pas acheter une tenue qui te fait faire cette tête-là !!!" Olivier c'est la sagesse, la zen attitude et la sensibilité. 

 

Pendant une année entière nous avons échangé à ce rythme là. Nous avons lu des textes, ris aux éclats, écouté de la musique, beaucoup pleuré (surtout moi), jouis (surtout moi), éternué (surtout lui). Il a partagé ma vie et j'ai partagé la sienne, il a consolidé ma vie jour après jour et j'ai eu de moins en moins peur. J'ai appris à avancer un pas après l'autre, à éloigner le précipice dans lequel j'avançais en marchant sur un fil. Il y a eu des rechutes et il y en aura d'autres mais globalement je vais mieux grâce à lui. Il va trouver cela très exagéré mais la vérité c'est qu'il m'a sauvé la vie. Non pas que je lui en suis très reconnaissante, je ne suis pas douée pour la vie, mais mes enfants lui doivent beaucoup et ils ne le sauront jamais. 

 

Ma vie est un roman, je ne veux pas que la vie soit telle qu'elle est, c'est trop dur et trop triste. Je lis des romans, je serre des romans contre moi comme des doudous parce qu'ils sont remplis de mots réconfortants, de mondes entiers si importants à mes yeux. Lire c'est s'inventer des mondes parallèles, c'est s'évader, s'extirper de soi, ça fait tellement de bien. Notre histoire avec Olivier devait devenir romanesque, je devais le voir le toucher, avoir l'illusion de l'avoir pour moi toute seule au moins une journée et puis plus jamais parce qu'on a nos vies dans l'autre monde. Lui n'a rien forcé, n'a jamais rien demandé ni mis de pression d'aucune sorte. J'ose imaginer qu'il en crevait d'envie mais il a eu la délicatesse de me laisser croire que ça venait de moi. Alors on a échafaudé des plans, on s'est pris à rêver, à tout planifier, à imaginer... On était terrifié à l'idée qu'un grain de sable vienne gripper la mécanique qui était en train de se mettre en place. Oui les planètes étaient en cours d'alignement et rien ne pouvait les arrêter. Un an de rélation virtuelle et le 3 novembre allait mettre des mois à arriver... C'était une période interminable et si belle à la fois, ne dit-on pas que le meilleur moment de l'amour c'est quand on monte l'escalier ? Nous allions nous rencontrer, nous toucher, nous embrasser... 

Oui parce qu'entre temps l'amour s'est invité, un amour spécial, forcément différent, romanesque et inévitable. Beaucoup diraient qu'on allait droit à la catastrophe, qu'on s'étaient idéalisés bien trop longtemps et qu'on allait être forcément déçus... 

J'ai pris le prétexte d'un voyage à Paris avec mon mari et mon désir d'avoir une journée pour moi afin de visiter le Louvre. Ne me jugez pas, je vous en prie... Olivier a choisi un magnifique hôtel, il a pris sa journée rien que pour moi (et ce n'était pas une chose facile avec son agenda de ministre !) et nous avons attendu le 3 novembre. J'ai eu des moments de panique absolue (notamment la veille), je ne suis pas coutumière du fait et ne le serai plus jamais, c'était difficile mais je devais le faire. 

Je me souviens de chaque instant de ce 3 novembre. J'ai pris une douche, j'ai séché mes cheveux, j'ai mis de jolis dessous, des collants, une robe noire et j'ai respiré profondément plusieurs fois. Je suis sortie de mon hôtel, j'ai jeté mon entrée au Louvre dans la première poubelle croisée et j'ai avancé... Olivier avait envoyé un mail m'indiquant le chemin à suivre : "Tu devras prendre la rue Vivienne, tu verras c'est la rue des numismates puis tu passeras devant la bourse, tu continues toujours tout droit et puis au bout de la rue tu prends à gauche, rue de Beaujolais, tu ne peux pas te tromper. Tu continues et tu vas te retrouver devant une grande porte, entrer dans un petit parc, je t'attendrai près de la fontaine." J'ai fait tout le trajet en apnée et puis... une petite provinciale comme moi qui découvre le jardin du Palais Royal c'est magique, enfin ça avait l'air parce que j'avançais dans une sorte de coton, de flou très artistique ! Je suis arrivée en avance, je suis toujours en avance et donc j'ai stressé encore plus. Nous nous étions autorisés les SMS ce jour-là, il n'était pas loin, il allait arriver, je n'allais pas lui plaire, ça allait être catastrophique. Quoi faire ? Se carapater, se liquéfier ? et ce fichu cœur dans ma poitrine qui veut se faire la malle et qui prend un élan de fou, mais pour aller où bon sang ? Je me retourne, il y a des chaises autour de moi, des feuilles mortes par terre, je pourrais m'assoir mais ces fauteuils sont inclinés, j'aurais l'air avachi. Il y a des arcades autour de moi, ça a l'air magnifique mais impossible de me concentrer, les battements de mon cœur cognent partout, dans mes jambes qui flageolent, dans ma tête qui va exploser. On en parle depuis des mois et c'est pour dans quelques minutes, le monde ne sera plus comme avant, les planètes vont être alignées. Et puis un texto : "je suis là, je te vois..."  Où ? Mais où ? Où ça putain ? Je tourne et je me retourne et puis je l'aperçois de l'autre côté de la fontaine, il avance en souriant et me fait un petit signe de la main, j'ai presque envie de me retourner, ce n'est pas possible, ce n'est pas à moi qu'il fait signe, il y a erreur, ce n'est pas moi qui suis en train de vivre ce moment. On s'est écrit et parlé pendant pile une année, maintenant nos corps vont se toucher et je sais maintenant, à cet instant précis que je ne serai pas déçue, que j'ai droit à cette bulle de bonheur et qu'elle sera magique...

Il est beau, souriant, il a le manteau que nous avons choisi ensemble un midi au téléphone et moi je regarde mes pieds, je ne sais plus où je suis. Il a un regard très doux que j'aurais du regarder de longues minutes mais je me suis jetée dans ses bras, blottie au paradis... Il m'a alors embrassée avec fougue, sa langue voulait m'avaler toute entière, je ne me suis jamais sentie aussi belle et importante que ce  jour-là et ça personne ne pourra me l'enlever... Ce corps que je déteste tant s'est transformé en un instant dans son regard. Il m'a ensuite entraînée sous les arcades pour m'embrasser de plus belle à l'abri des regards, il avait ce truc de passer ses mains dans mon dos sous mon blouson, ça me donnait des frissons et ça m'en donne encore quand j'y repense. C'est un geste pas si banal, on ne m'avait jamais caressée comme cela, il entrait petit à petit en moi. On a marché un peu, on faisait des pauses pour se serrer fort et s'embrasser encore, on se tenait par la taille, collés. On est allé devant l'entrée du Louvre, j'ai pris une photo que je déteste, non pas parce qu'elle a fait l'objet d'un alibi mais parce que je sais qu'Olivier est derrière moi, accroché à ma taille et donc que forcément on ne le voit pas. Il est là mais pas là, le résumé de notre histoire à lui et moi... 

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Mais continuons la journée, nous marchons vers notre hôtel et nous sommes en avance alors nous nous asseyons sur un banc. Je lui offre un livre parce qu'il en achète régulièrement et qu'il pourra le ramener chez lui, lui m'offre une merveilleuse broche qu'il a eu la délicatesse d'acheter quelques jours auparavant à la boutique du Louvre, je pourrai donc l'arborer aux yeux du monde entier toute ma vie. Il l'a accrochée tout de suite à ma robe et il était l'heure d'aller à l'hôtel, j'étais certaine de ne pas me sentir à l'aise mais ça a été plutôt facile, le réceptionniste n'a pas eu de regards désobligeants. 

La montée de ce magnifique escalier, c'est le plus beau des moments, tout y devient possible, on imagine tout. A chaque marche je laissais derrière moi un mail échangé, une conversation au téléphone. Et chaque marche devant moi c'était le paradis, un pas vers la rencontre d'un autre moi. La montée de ce magnifique escalier c'était un ralenti. La montée de ce magnifique escalier c'était une promesse, une journée entière dans cette chambre, c'est une faille spatio-temporelle, c'est l'origine du monde, c'est un cadeau, un miracle qui n'appartient qu'à nous. 

 

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Nous avons quitté l'hôtel, tu avais une surprise, un endroit où tu voulais m'emmener. Une toute petite librairie, deux livres identiques que nous achetons à tour de rôle et deux dédicaces faites par l'auteur, que nous faisons faire l'un pour l'autre avant de nous échanger les livres. Tu m'as laissée en haut d'une bouche de métro en m'expliquant comment je devais rentrer, je ne sais pas comment j'ai fait mais je suis rentrée à mon hôtel, en pleurant toutes les larmes de mon corps mais avec la satisfaction d'être allée au bout du roman. 

Ce 3 novembre dure toujours... C'est une jolie petite boîte que je peux ouvrir quand je veux, un souvenir que je peux convoquer n'importe quand jusqu'à la fin de mes jours.  Olivier, je voudrais être ta plus belle histoire mais je ne peux présumer de rien, toi tu es ma plus belle histoire, mon plus beau roman, même si, comme le dit si bien Annie Ernaux, "t'écrire ce n'est rien d'autre que faire le tour de ton absence." Parce que nous avons continué à nous écrire évidemment. Trois longues années à me confier, à nous souvenir de cette journée ensemble, donner de la mémoire à l'éphémère...  Mais le virus a éloigné nos voix, l'amour est parti, c'est la vie. Tu as été honnête comme toujours mais je n'arrive pas à te voir en ami. Je n'y arrive pas Olivier... et puis te sentir t'éloigner c'est très dur. 

J'ai toujours pensé qu'on trompe non pas pour faire une rencontre mais pour rencontrer une autre partie de soi même. J'ai fait cette expérience une seule fois et je ne recommencerai pas, je n'y survivrai pas. Je vis tout à fond et ça m'épuise. Je ne suis pas celle que je suis, je me regarde assurer le quotidien mais c'est étrange ce n'est pas moi, je ne suis pas faite de chair et de sang mais de sensibilité et de fragilité. Je veux croire que dorénavant je vais me sentir plus légère mais j'ai peur de l'immense vide devant moi... Je veux et je dois rester cette fugitive, inventrice de sa vie et te quitter en te disant que je t'aime. 

Olivier, tu m'as sauvée la vie, j'ai j'espère un peu embelli la tienne et je crois aujourd'hui que le contraire d'oublier ce n'est pas se souvenir c'est APPRENDRE. 

Merci Olivier.

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